Intervention sur l'Embryon humain - Séance du jeudi 11 juillet 2013
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Catégorie : à l'Assemblée nationale
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Avant d’en venir au fond, un mot sur la forme. Nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi dont nous avions commencé l’examen le 28 mars, nous arrêtant cette nuit-là à la fin de la discussion générale. Voilà que ce texte nous revient quelques mois plus tard, sans avoir été modifié, et nous abordons la discussion de son article unique. C’est une situation assez particulière.
On nous a par ailleurs reproché hier soir de faire de l’obstruction. Outre le fait que l’actuelle majorité nous avait habitués à cela sous la précédente législature, reconnaissons que c’est le rôle de l’opposition de faire de l’obstruction. Mais le 28 mars, l’obstruction a bel et bien été le fait de la majorité : quand on a vu la présidente de la commission des affaires sociales nous lire trois fois la lettre du président du comité d’éthique et la ministre nous faire deux fois lecture de la même intervention, mot pour mot…
Mme Geneviève Fioraso, , ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est faux !
Mme Marie-Christine Dalloz. …on peut se demander de quel côté se situe l’obstruction…
Pour en revenir au fond, on a le sentiment que vous voulez passer en force. Les auditions auxquelles vous avez procédé se sont déroulées en toute discrétion en catimini ; les députés non membres de la commission des affaires sociales n’en ont pas entendu parler. Vous n’avez pas tenu compte du texte que vous aviez vous-mêmes voté il y deux ans ; c’est une forme de reniement.
Parlons enfin du débat public. Il y a deux ans, il a eu lieu. Il fut riche, intense, documenté. Aujourd’hui, vous faites abstraction de tout cela. Plus rien n’existe, vous n’avez rien retenu du tout, ce qui est franchement dommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Article unique (suite)
M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements de suppression de l’article unique.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 1.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais rappeler, dans le cadre de la défense de cet amendement, que l’éthique est la science de la morale et des mœurs. Je peux entendre que ce débat sur le fond, sur la science de la morale et des mœurs puisse vous gêner. Pourquoi pas ? Quand on sait certains sujets que vous abordez en occultant précisément ces éléments…
Mais trouver des équilibres au plan éthique, c’est notre responsabilité et c’est votre devoir. Le législateur a besoin d’encadrer le débat éthique. Le débat éthique mérite, impose une réflexion structurée, apaisée avec les citoyens, ce que vous ne voulez pas faire, avec le comité d’éthique et avec la communauté scientifique, ce que vous refusez aujourd’hui.
Non, l’embryon humain n’est pas seulement un amas de cellules, qu’il est encore moins un « matériau » comme je l’ai entendu dire lors des débats initiaux. L’embryon, c’est une personne humaine potentielle. Que vous le vouliez ou non, tels sont la réalité et le fond du débat éthique.
Vous vous présentez sans cesse comme les preux chevaliers de la transparence de la vie publique et de la politique, vous vous vantez sans cesse de chasser tous les conflits d’intérêts ; pourtant, j’ai bien entendu Mme la ministre dire hier, au début de son intervention, que c’était un sujet économiquement important. Si l’on veut vraiment parler de transparence, reconnaissons que l’embryon est le théâtre de réels conflits d’intérêts potentiels. Sincèrement, ce débat mérite beaucoup mieux qu’une simple transposition sur le plan économique. Il faut revenir à des valeurs et à l’éthique.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 121.
Mme Marie-Christine Dalloz. Vous mettez en avant régulièrement deux arguments pour justifier ce texte : vous ne voulez pas de frein à la recherche et vous considérez que ne pas voter ce texte nous ferait perdre des opportunités d’avancées thérapeutiques majeures ; nous l’avons entendu dire plusieurs fois hier soir. Essayons d’analyser ces propos.
L’interdiction absolue serait un frein à la recherche. Mais les protocoles de recherche sur l’embryon sont déjà largement autorisés par l’Agence de biomédecine : depuis 2004, 173 autorisations relatives à la recherche sur l’embryon ont été délivrées et seulement neuf refus ont été opposés. Qu’en sera-t-il réellement avec un régime d’autorisation ?
Pour ce qui est de la perte des opportunités d’avancées thérapeutiques majeures, vous vous acharnez à manquer le coche des cellules IPS : c’est dommage. Vous préférez toucher aux fondements mêmes de l’être humain, à son origine. Ce texte va réifier l’embryon humain et lui conférer un statut inférieur à celui de l’embryon animal, désormais protégé, lui, par la directive européenne du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Vous posez de ce fait de graves problèmes éthiques sans qu’aucun impératif de recherche fondamentale, pharmaceutique ou clinique ne vienne le justifier. Vous contrevenez enfin à la procédure établie par la loi de 2011 concernant les textes touchant à la bioéthique. Telle est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement no 121.