M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai retenu les propos que vous répétiez en boucle : « réforme la plus structurante du quinquennat », « réforme universelle », « réforme juste ». J’ai même entendu « fraternelle » !

Les mots sont forts. Ils ont été habilement choisis, mais la réalité, c’est que cette réforme n’est ni juste ni universelle et ne laisse pas le choix de sortie aux futurs retraités, contrairement à ce que vous dites.

Je vous conteste la volonté d’incarner des réformateurs courageux. Ainsi, quand de nombreuses professions sont sorties du futur dispositif, où est son caractère universel ? Où est l’équité ?

La réalité, c’est que vous instaurez cinq régimes : celui des salariés, celui des fonctionnaires, magistrats et militaires, celui des salariés agricoles, celui des non-salariés agricoles et celui des marins.

Comme le souligne le Conseil d’État, à l’intérieur de ces régimes, tous ne seront pas soumis aux mêmes règles – c’est extraordinaire ! –, contrairement à ce que vous voulez faire croire aux Françaises et aux Français. Certains salariés des régimes spéciaux continueront de partir à la retraite à un âge moindre que les autres salariés du même régime. Enfin, d’autres professions continueront à bénéficier de leurs régimes complémentaires. En quoi ces mesures sont-elles justes ? Où voyez-vous de l’universalité ?

Quant à la notion d’équité, que vous prônez du matin au soir et du soir au matin, j’affirme que c’est un mensonge. Pour les femmes, pour les salariés et les cadres du secteur privé, pour les enseignants, pour les aides-soignantes, pour les infirmiers, pour les professions libérales, dont les avocats, et pour toutes les catégories C de la fonction publique territoriale, c’est une baisse programmée des retraites. Où est l’équité ?

En réalité, par manque de courage, vous supprimez la durée de cotisation. Adieu aux trimestres cotisés ! Vous instaurez un âge d’équilibre, ce qui constitue une demi-mesure.

La clarté voudrait que vous annonciez aux Français qu’il est nécessaire de travailler plus longtemps. Avec cet âge d’équilibre, vous instaurez bel et bien une super-décote. J’ai bien dit une super-décote. 

Vous leur laissez l’illusion qu’un choix est possible, mais c’est un mensonge puisque si on décide de partir à la retraite, avec des revenus qui ne permettent pas de vivre dignement ce n’est plus un choix. Enfin, et c’est le comble, vous demandez au Parlement de voter un texte qui fait abstraction de toute mesure de financement.

Vous annoncez des mesures de solidarité, mais comment les financez-vous ? Vous parlez de pénibilité, mais comment la financez-vous ? Vous renvoyez toutes ces questions – toutes nos questions – à la conférence de financement. Ce n’est pas sérieux. C’est même dangereux, car il y va du patrimoine collectif et individuel de chaque Française et de chaque Français. Votre réforme est illisible et mal préparée.

Vous avez pourtant mené, pendant plus de deux ans, une concertation avec les partenaires sociaux. Qu’avez-vous fait pendant ces deux ans ? Un dialogue qui se solde par la plus grande crise sociale depuis 1968, ce n’est pas un dialogue. Toutes nos interrogations concernant la valeur du point, la super-décote, la durée de cotisation ou encore la période de transition sont restées sans réponse.

Monsieur le secrétaire d’État, vous admettrez que les réformes précédentes, adoptées par le Parlement en toute connaissance des paramètres, ont permis de rapprocher les niveaux de cotisations salariales dans le public et dans le privé et les durées de cotisation. En 2010, nous avions garanti l’équilibre du régime pour 2016 et 2017. Face à votre réforme, notre groupe, en totale responsabilité, défend un contre-projet et assume avec courage une mesure d’âge de départ qui permettrait de financer la pénibilité et d’améliorer l’employabilité des seniors. Ces sujets ne sont pas réellement traités par votre texte.

Monsieur le secrétaire d’État, il est de votre responsabilité, vous qui vouliez faire de la politique autrement, de permettre au Parlement de travailler dans des conditions normales. Les délais accordés à la commission spéciale ne nous ont pas permis de prendre connaissance des quelque mille pages de l’étude d’impact, des soixante-cinq articles du projet de loi ordinaire et des cinq articles du projet de loi organique.

Nous avons le sentiment d’avoir été dépossédés de notre mission. Nous ne pouvons pas traiter avec désinvolture le fruit d’une vie de travail. Les Français attendent de nous de la rigueur et du sérieux ; mais quand le Gouvernement prévoit le recours à vingt-neuf ordonnances, il témoigne d’un mépris du travail parlementaire et de la représentation nationale.

Sur un sujet si important, et compte tenu des nombreux points à clarifier, il convient de donner du temps à l’étude de cette réforme.