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Mme la Présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.


Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la Présidente, Monsieur le Garde des Sceaux, Monsieur le Président de la commission des lois, chers collègues, depuis trente ans le déficit de notre pays n’a jamais été inférieur à 1,5 % de la richesse produite et aucun budget de l’État n’a été voté en équilibre. La crise a aggravé fortement la situation, sans aucun doute. Pour autant, cela ne fait pas trente ans que nous traversons une crise de cette ampleur. Tous les gouvernements ont cédé à la facilité budgétaire, en invoquant telle ou telle circonstance exceptionnelle. Nous devons rompre avec cette habitude et prendre nos responsabilités afin d’assainir durablement les finances publiques.


La volonté politique n’a pas réussi à limiter les déficits, même dans les périodes plus favorables où la croissance nous aurait permis de le faire. Notre première responsabilité, aujourd’hui, est de penser aux générations futures et de limiter la charge qui leur est transférée. Inscrire une règle d’équilibre des finances publiques dans notre Constitution est nécessaire et relève du bon sens pour l’avenir, car c’est bien de l’avenir qu’il est question avec ce texte.


Le projet de loi constitutionnelle proposait au départ d’inscrire dans la Constitution trois séries de dispositions visant à réformer la gouvernance de nos finances publiques : la création d’un instrument juridique nouveau, les « lois-cadres d’équilibre des finances publiques », qui auront pour objectif d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques ; le monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires ; enfin le principe de transmission systématique des projets de programmes de stabilité au Parlement.


Ces dispositions reflètent notamment les travaux du groupe de travail présidé par Michel Camdessus, auxquels ont participé les socialistes, et s’inspirent de ce qui existe dans d’autres pays, comme l’Allemagne.


Je me félicite de l’accord des deux assemblées sur le cœur de la réforme, chacune d’entre elle ayant précisé le texte, qui semblait au départ assez général et peu contraignant. Les députés, puis les sénateurs, ont précisé les conditions d’adoption des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, celles de leur modification éventuelle, et l’obligation de rattraper les écarts constatés dans l’exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.


Ces dispositions permettront de voter une date de retour à l’équilibre des finances publiques et de définir, en cohérence, l’effort à réaliser sur une période fixe d’au moins trois ans. L’institution des lois-cadres est une mesure extrêmement positive, puisque, ainsi, un certain nombre de dispositions s’imposeront aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, et le Conseil constitutionnel pourra sanctionner une loi de finances qui ne respecterait pas la trajectoire définie.


Le principe d’une transmission systématique au Parlement des programmes de stabilité, avant qu’ils soient adressés à la Commission européenne dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, figurera dans la Constitution. On ne peut que se féliciter du consensus qui s’est dégagé très tôt entre l’Assemblée nationale et le Sénat non seulement sur ce point, mais également sur le principe d’un débat puis d’un vote sur ce programme de stabilité en commission et, éventuellement, en séance publique.


Reste la question du monopole des lois de finances en ce qui concerne la fiscalité et des lois de financement de la sécurité sociale pour les recettes de la sécurité sociale. Instituer un tel monopole met en cause l’initiative parlementaire, ce qui a suscité de la part de l’Assemblée nationale, comme du Sénat, de vives réactions.


Le Sénat a décidé de supprimer purement et simplement cette disposition lors de l’examen du texte en deuxième lecture. Cette position est compréhensible – notre commission des lois l’avait évoquée en première lecture – et elle ne vide pas de sa substance le projet de loi constitutionnelle. Je pense que nous devons aller dans le sens du Sénat et maintenir le texte en l’état, sans le monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, afin de laisser aux parlementaires un droit d’initiative, malgré l’inscription de l’équilibre budgétaire dans la Constitution. Enfin, il faut rappeler que ce monopole continue de s’appliquer au Gouvernement du fait de la circulaire du 4 juin 2010 relative à l’édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale.


Depuis vingt ans, nous suivions la même trajectoire budgétaire que l’Allemagne. Ce n’est plus le cas depuis la crise financière. L’Allemagne a pris ses responsabilités en inscrivant dans sa Loi fondamentale, qui comportait déjà une règle d’équilibre, l’interdiction de voter un budget avec un déficit structurel supérieur à 0,35 % du PIB à compter de 2016. C’est d’ailleurs un ministre des finances appartenant au SPD qui a défendu cette réforme devant le Parlement.


Cette règle du « zéro déficit » tend désormais à s’imposer partout dans le monde, puisque le Fonds monétaire international dénombre quatre-vingt-dix États dotés de règles budgétaires contraignantes, alors qu’ils n’étaient que sept en 1990. Il est donc impératif que nous prenions également des dispositions similaires, en tenant compte des spécificités propres à notre pays.


En résumé, ce texte inscrit dans la Constitution des pratiques plus vertueuses qui obligeront les gouvernements à dire à l’avance dans quels délais ils vont ramener les comptes publics à l’équilibre. Il assure un équilibre entre, d’une part, la contrainte que constitue la primauté des lois-cadres sur les lois de finances et de financement de la sécurité sociale par le biais d’un plancher de recettes et d’un plafond de dépenses et, d’autre part, la souplesse qu’offre la possibilité de réviser ces lois-cadres. Enfin, il renforce la crédibilité de notre pays en donnant un signal positif à nos partenaires étrangers.


A l’heure de la crise des dettes souveraines, alors que la Grèce et l’Irlande sont dans une situation délicate, il est important que nous nous entendions sur ce qui me semble être l’intérêt supérieur de notre pays et que nous votions cette réforme indispensable.