Intervention dans l'hémicycle sur le gaspillage alimentaire

2ème séance du jeudi 5 février


Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des sports, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’aide alimentaire européenne engage aussi la France. Créé en 1987, le Programme européen d’aide aux plus démunis – PEAD – visait à mettre à la disposition des États membres des matières premières agricoles issues des stocks excédentaires de la politique agricole commune.

Dans les années 2000, les réformes de la PAC et la raréfaction des surplus agricoles ont conduit à remplacer la distribution de stocks alimentaires par le versement direct de subventions aux associations. Ce programme a été prolongé en 2011 grâce à la mobilisation du gouvernement français, sous l’impulsion de François Fillon et de Bruno Le Maire, alors ministre de l’agriculture. Le Conseil européen des ministres de l’agriculture, réuni le 14 novembre 2011, a décidé de poursuivre le financement du PEAD en 2012 et 2013. Malgré le désaccord de six pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne, principal contributeur, le gouvernement français a réussi à obtenir une prolongation de ce financement jusqu’en 2014.

Depuis cette date, l’aide alimentaire européenne est financée par le Fonds européen d’aide aux plus démunis – FEAD –, qui dépend du Fonds social européen, avec un cofinancement national.

Aujourd’hui, un constat s’impose : il y a urgence à mettre en place des mesures concrètes et pragmatiques pour renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire, complément de l’aide alimentaire aux plus démunis.

La proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Decool répond parfaitement à cet objectif. Elle prévoit, dans son article 1er, de sensibiliser les élèves dans les établissements scolaires ; dans son article 2, d’obliger les commerces de plus de 1 000 mètres carrés à passer une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires avec une association, sans remise en cause des dispositifs de défiscalisation sur don ; enfin, dans son article 3, d’ouvrir une réflexion sur les dates limites de consommation et de péremption des denrées alimentaires.

Malheureusement, lors de son examen en commission, le texte a été profondément vidé de sa substance, signe du manque d’intérêt de la majorité sur ce sujet. 

L’article 1er dispose désormais que le Gouvernement remettra un « rapport » – un de plus ! – « portant sur des mesures concrètes, » que nous attendons, « assorties de propositions législatives » – elles sont là ! –, « pour lutter contre le gaspillage alimentaire ». Quant aux articles 2 et 3, ils ont été purement et simplement supprimés par la commission, donc par la majorité.

Parallèlement, le Gouvernement affirme qu’il veut faire de la lutte contre le gaspillage alimentaire une priorité, sans prendre pour autant de mesures concrètes et efficaces. C’est un effet d’annonce, qui n’est pas suivi de faits qui mettraient en œuvre ces dispositions.

Le 14 juin 2013, un Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire a été lancé par Guillaume Garot, alors ministre délégué à l’agroalimentaire. Il prévoit essentiellement des actions de sensibilisation, notamment un label anti-gaspi, une campagne de communication, un site internet dédié, des modules dans les lycées agricoles et les écoles hôtelières, le remplacement de la mention « Date limite d’utilisation optimale » par « À consommer de préférence avant » ou un axe d’action spécifique anti-gaspillage dans le Plan national pour la prévention des déchets.

Coïncidence de date ou réactivité de l’actuelle majorité ? Le 15 octobre 2014, Jean-Pierre Decool interrogeait le Gouvernement sur la lutte contre le gaspillage alimentaire lors des questions d’actualité. Le soir même, Guillaume Garot était nommé parlementaire en mission sur le gaspillage alimentaire pour six mois, afin de présenter des propositions permettant de diminuer de 50 % le gaspillage alimentaire en France d’ici à 2025.

Dans les faits, la mission Garot rendra d’abord un rapport intermédiaire au mois de mars, puis ses conclusions au printemps. Leur traduction législative pourrait être présentée à la fin de l’année. Ce calendrier ne permet absolument pas de répondre à l’urgence actuelle.

Les grands froids sont là ; les besoins sont immenses. Quand l’Abbé Pierre a lancé son appel, lui a-t-on répondu qu’il fallait attendre qu’une mission soit installée et un rapport déposé pour prendre des dispositions ? Non.

Monsieur le secrétaire d’État, je veux aujourd’hui convaincre le Gouvernement et la majorité qu’il est nécessaire d’agir, et d’agir vite. Que proposera cette nouvelle mission Théodule ? Ses propositions trouveront-elles réellement une traduction législative ?

Saisissez nos propositions ! Vous ne voulez pas les prendre parce qu’elles viennent de l’opposition.
Il est dramatique de voir que la pauvreté doit rester votre enjeu, et inquiétant d’entendre cela dans cet hémicycle.
Monsieur le secrétaire d’État, vous devez vous engager à accélérer les choses. Vous ne pouvez renvoyer le problème à plus tard, toujours plus tard. Tandis que de nombreuses associations, fortes de centaines de bénévoles, des collectivités territoriales, mais également des grandes surfaces et des entrepreneurs sociaux se mobilisent quotidiennement pour lutter contre le gaspillage de la nourriture, l’État détonne par son faible activisme.

Rien n’est fait aujourd’hui pour parvenir à l’objectif ambitieux que le Gouvernement s’est fixé : réduire de moitié le gaspillage alimentaire en France à l’horizon 2025. C’est cette carence que la présente proposition de loi entend pallier. Je salue à ce titre le travail de Jean-Pierre Decool sur ce sujet.

Il est intolérable que, dans un pays développé comme le nôtre, nous gaspillions plus du tiers des aliments produits pour la consommation humaine, alors que des millions de Françaises et de Français ne mangent pas à leur faim.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en France, le gaspillage alimentaire représente 1,2 à 6 millions de tonnes de nourriture par an, soit 20 à 90 kilogrammes de déchets alimentaires par personne, dont 30 % sont encore emballés. Pour un foyer de quatre personnes, le budget du gaspillage alimentaire équivaut à 400 euros par an.

En outre, 3,5 millions de Français bénéficient de l’aide alimentaire. Les associations de ma circonscription lancent un cri d’alarme sur la faiblesse des collectes par rapport au nombre de plus en plus important de personnes qui les sollicitent. Les entendrez-vous ?

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ouvre la voie à des actions ciblées, concrètes, qui aboutiraient rapidement à des résultats.

Je regrette l’absence de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, retenu ce matin par la conférence de presse du Président de la République, mais qui aurait pu nous rejoindre cet après-midi…
…ainsi que de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Ces absences témoignent-elles du manque d’intérêt du Gouvernement sur ce sujet ou, à défaut, de son manque de cohérence ? Vous êtes certes présent, monsieur le secrétaire d’État, mais ces sujets ne figurent pas au cœur des missions qui vous sont dévolues. Cette organisation du Gouvernement est regrettable.

Pour toutes ces raisons, malgré le fait que le texte soit vidé de sa substance, le groupe UMP votera, bien sûr, cette proposition de loi pragmatique qui ne remet pas au lendemain ce que l’on pourrait faire aujourd’hui. C’est ce que souhaitait le Gouvernement, – du moins j’avais cru l’entendre – mais celui-ci préfère, comme d’habitude, les effets d’annonce. Dans les faits et dans les actes, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas rendez-vous avec les plus démunis. C’est l’opposition qui est là pour ceux qui souffrent de la faim !