Madame la Rapporteure,
Chers collègues,

Dans sa résolution relative à l’anniversaire de la déclaration des droits de l’homme, la Fédération des Barreaux d’Europe, en novembre dernier, a réaffirmé « son attachement à la responsabilité sociétale de l’avocat en raison de (…) sa contribution aux droits humains et sociaux, qui sont au cœur de sa mission de défense ».

Ces propos résument parfaitement l’enjeu de notre débat d’aujourd’hui. La réflexion sur une convention européenne sur la profession d’avocat est ainsi fondamentale, surtout lorsqu’on constate la difficile condition des avocats dans trop de pays de notre grande Europe. C’est une belle initiative et nous devons la voter sans hésitation. Cependant, nous devons nous interroger de manière plus large sur ce qui crée ces atteintes à la profession d’avocat. Soyons clairs : c’est parce que l’État de droit est bafoué dans tous ses aspects que les droits des avocats sont touchés. C’est parce que l’indépendance de la justice et le droit fondamental à un procès équitable, pourtant clef de voute de notre Convention européenne des droits de l’homme, sont inexistants que l’accès à un avocat ou sa capacité réelle de défendre son client disparaissent.

Bien entendu, nous parlons là de pays où les avocats sont traités malheureusement aussi mal que les défenseurs des droits de l’homme ou les journalistes. Sur ce point, l’idée d’une plateforme d’alerte au sein du Conseil de l’Europe pour les avocats et les défenseurs des droits, similaire à celle existant pour les journalistes, me paraît une excellente initiative.

La grande question est : est-ce que des États membres qui ne respectent déjà pas les règles élémentaires, les valeurs basiques de notre organisation en matière de droits de l’homme ou d’État de droit accepteront, si la Convention voit le jour, de l’appliquer ? Madame la Rapporteure, vous citez des exemples, dans votre rapport, de pays où le harcèlement des avocats est particulièrement important. Ce sont aussi des pays qui ne respectent pas les arrêts de la CEDH et dont nous parlons régulièrement dans cet hémicycle pour dénoncer les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme.

La situation des avocats est emblématique de la crise que nous vivons en Europe. Chacun de nous s’est engagé, en adhérant à cette organisation, à en respecter ses valeurs. Aujourd’hui, force est de constater que de plus en plus de membres semblent avoir oublié, à la veille des 70 ans de notre Conseil de l’Europe, que faire partie de la famille européenne donne certes des droits, mais exige des devoirs, au premier rang desquels : l’application des droits de l’homme !

Face à l’immensité de la tâche, nous pourrions baisser les bras et nous dire que cette Convention sera vaine, puisqu’inapplicable. Mais à ces mauvais élèves, aux extrémistes de tous bords, aux ennemis de la démocratie, je dis : oui, nous voterons cette proposition de recommandation, pour construire ensemble un instrument juridique plus contraignant pour défendre les avocats, artisans, comme nous parlementaires, d’une démocratie réelle ! Adressons un message fort à tous ceux qui croient que l’APCE est faible, que le Conseil de l’Europe ne sert à rien ! Montrons-leur que la défense des droits de l’homme, la défense de l’État de droit et de la démocratie sont encore un combat, 70 ans après, mais un combat que nous mènerons et que nous gagnerons !