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M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, que dire ?

Sur la forme, d’abord, nous aurions pu espérer que ce débat d’orientation sur les finances publiques soit l’occasion d’examiner des éléments nouveaux. Il n’en est rien. Nous espérions que vous documenteriez les économies que vous nous annoncez. Que nenni ! Nous attendions des éléments de compréhension de votre méthode de calcul. Il n’y en a pas. Rien sur la méthode du Gouvernement, c’est dommage.

Il y a deux heures, Mme la rapporteure générale – je comprends que cela puisse se justifier si elle est surchargée de travail – mettait en ligne son propre rapport sur le document d’orientation des finances publiques. Nous n’avons bien sûr pas pu l’examiner. Et puis j’apprends tout à l’heure, en entrant dans l’hémicycle, qu’est distribué depuis ce matin un nouveau rapport préparatoire, qui n’a pas été remis à la commission des finances, laquelle n’a donc pu en discuter ; il est simplement distribué, pas en catimini, mais nous ne l’avions pas. Je viens donc de le découvrir.

Vous m’autoriserez une citation, car je crois qu’elle illustre bien les conditions dans lesquelles nous travaillons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État. Qu’on se moque du Parlement, on peut l’entendre, mais, en l’occurrence, vous avez dépassé certaines limites. S’agissant de l’évaluation du tendanciel des dépenses de l’État, vous finissez, après avoir donné toutes les possibilités de construction de ce tendanciel, par les mots suivants : « La construction du tendanciel retenu lors de la programmation 2015-2017 sera détaillée au sein des documents annexés au prochain projet de loi de finances pour 2015. » On nous donne donc des chiffres de tendanciel sur trois ans, tout en nous expliquant que nous en aurons les clés de calcul l’année prochaine.

Franchement, de telles conditions de travail sont inacceptables. Je voudrais que vous l’entendiez ! J’ai imaginé en entrant dans l’hémicycle tout à l’heure quelle aurait été la réaction du prédécesseur de l’actuel président de la commission des finances. Imaginons M. Cahuzac confronté à ces conditions de travail ! Jamais il n’aurait accepté de travailler dans de telles conditions.

 C’est proprement inacceptable. Plus on avance, plus les conditions de travail montrent qu’on se moque du monde.

La méthode Coué, c’est bien, mais, franchement, elle a des limites. Je tenais à le dire, avec un peu de colère et de conviction.

Sur la forme toujours – même si c’est aussi une question de fond –, j’ai cru trouver enfin, en lisant votre calcul du tendanciel, une explication au fait que les 58 milliards d’euros d’économies dont il était question au mois de novembre 2013 sont devenus, comme par hasard, 50 milliards d’euros. En effet, j’ai cru comprendre que vous aviez gagné ainsi huit milliards d’euros en passant d’une hypothèse de hausse naturelle des dépenses de 1,6 % à une hypothèse de 1,5 %. Si ça, c’est une vision juste du débat d’orientation des finances publiques, vous me faites sincèrement peur !

Ces remarques portaient sur la forme, mais elles montrent bien une certaine impréparation. Distribuer un document le jour même, sans qu’il soit consulté par personne, sans qu’il soit étudié, sans même que vous documentiez le tendanciel avec lequel vous avez travaillé, cela montre une véritable impréparation. Je serais presque tentée de dire que cela montre l’amateurisme dont fait preuve ce gouvernement aujourd’hui. On a le sentiment qu’il manque vraiment un pilote dans l’avion France.

Parce que le débat d’orientation est tributaire des résultats d’aujourd’hui, vous m’autoriserez à revenir sur l’exécution 2013. Celle-ci est tellement éloignée du prévisionnel que vous aviez établi que je crains fort que l’avenir, c’est-à-dire les années 2014, 2015 et 2016, n’en soit fortement affecté.

Quelles étaient les prévisions du Gouvernement ?

Le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques rendu le 17 juin dernier nous montre à quel point la réalité est éloignée de vos prévisions.

Quatre constats en ressortent, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État.

La réduction du déficit budgétaire est très sensiblement plus faible que prévu et la dette a continué à croître de façon importante. Malgré leur forte hausse, les recettes fiscales sont en net retrait par rapport aux prévisions. Les dépenses sont maîtrisées : elles baissent à la fois par rapport à 2012 et par rapport à la loi de finances initiale. Enfin, la Cour dénonce quelques irrégularités qui demeurent dans la gestion budgétaire ainsi que des sous-budgétisations récurrentes.

Je ne vais pas m’attarder sur ces différents constats.

Le dérapage du déficit de l’État dans l’exécution fait qu’il atteint 74,87 milliards d’euros, soit 3,6 % du PIB, alors que le déficit voté dans la loi de finances initiale pour 2014 était de 62,31 milliards d’euros. Vous voyez la différence : 12,56 milliards d’euros !

Les recettes fiscales ont été inférieures de 14,6 milliards d’euros à vos prévisions. Les hausses d’impôts ont rapporté deux fois moins que prévu.

Les trois impôts sont concernés. Selon la Cour des comptes, ces moins-values sont en grande partie liées à l’évolution spontanée des recettes fiscales, qui a été très fortement négative. Toujours selon la Cour des comptes, elles ne sont imputables que pour un quart à la moindre croissance du PIB en valeur, contrairement à ce que vous affirmez. Enfin, lors de son audition par la commission des finances le 28 mai dernier, Didier Migaud a reconnu que les prévisions de recettes « manquaient de prudence. »

Les dépenses ont atteint 298,65 milliards d’euros en 2013, soit un niveau inférieur à la prévision de la loi de finances initiale. C’est le seul constat positif que je ferai ce soir ! Grâce à des facteurs exogènes favorables, les dépenses ont été en retrait de près de 4 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu : la charge de la dette a diminué de 1,41 milliard d’euros, l’inflation a été moins importante que prévue – le taux d’inflation s’établit à 0,7 %, alors que la prévision était fixée à 1,75 % –, et les dépenses exceptionnelles ont été inférieures de 1 milliard d’euros par rapport à 2012.

Nous en venons à un sujet de fond : les grandes composantes de la dépense. Le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a regretté que les dépenses d’investissement, qui diminuent, constituent une variable d’ajustement, alors que les dépenses de fonctionnement ont de nouveau augmenté. Les dépenses d’intervention baissent de 440 millions d’euros, mais pas les nouveaux dispositifs. Au-delà de la régulation budgétaire, la Cour des comptes réclame des économies structurelles et ciblées sur certaines dépenses.

Enfin, la croissance de la dette ne ralentit pas : de là vient notre grande inquiétude quant à l’avenir. La dette s’élève à 1 457 milliards d’euros à la fin de l’année 2013, soit 71 milliards d’euros de plus en un an. Cette progression de la dette est masquée par des taux historiquement bas. Les derniers chiffres publiés par l’INSEE le 30 juin dernier signalent que la dette brute a augmenté de 45,5 milliards d’euros entre le dernier trimestre 2013 et le premier trimestre 2014. Le besoin de financement pour l’année 2013 s’élevait à 186,3 milliards d’euros. La réduction du déficit budgétaire a été pratiquement compensée par l’alourdissement des charges d’amortissement de la dette de l’État et des dettes reprises.

L’encours de la dette négociable de l’État est passé de 1 386 milliards d’euros fin 2012 à 1 457 milliards d’euros fin 2013. Vous qui aimez comparer la situation actuelle à celle d’avant 2012, vous trouverez là des chiffres significatifs !

On notera une augmentation du taux de détention de la dette par les non-résidents ; ce taux passe de 62,2 % fin 2012 à 64,5 % au troisième trimestre de l’année 2013. Le problème, c’est que les amortissements atteindront un niveau record entre 2015 et 2017. L’agence France Trésor a dû conduire en 2013 une politique de rachat active pour préparer ces échéances à venir. Des craintes perdurent quant au financement pour l’année 2015.

Monsieur le ministre, le constat de la Cour des comptes est implacable. En période de faible croissance, l’effort fiscal ne peut suffire pour réduire le déficit budgétaire. La Cour des comptes estime qu’il existe un doute quant au respect du budget 2014 et de la trajectoire d’évolution des finances publiques votés par le Parlement. Le Gouvernement maintient une prévision de déficit à 3,8 % fin 2014. En réalité, le déficit devrait atteindre 4 %. Sur ce point, j’appelle à une plus grande sincérité des comptes : s’ils étaient plus sincères, vous seriez plus crédibles !

La situation de la France apparaît comme moins maîtrisée que celle de ses voisins européens. Plus particulièrement, l’écart continue de se creuser avec l’Allemagne. Les résultats français ont surtout été obtenus par l’augmentation des recettes fiscales : alors que les dépenses publiques françaises rapportées au PIB ont augmenté de 0,5 point, elles ont diminué de 0,3 point dans l’Union européenne.

Je dirai, pour conclure, que nous voyons parfaitement à quel point la politique budgétaire du Gouvernement est inadaptée à la situation économique. La méthode Coué ne suffit plus ! Il faut, à tout prix, mener des réformes courageuses, pour répondre aux priorités que sont, d’une part, la compétitivité et l’emploi, et d’autre part, le pouvoir d’achat des familles