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Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, les alertes fusent. Après l’avis du Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes estime que le déficit public pourrait encore dépasser les engagements du Gouvernement. Il y a deux mois, le Premier ministre annonçait un plan de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans, en précisant que les engagements seraient tenus. La Cour des comptes a pourtant estimé le contraire dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques qu’elle vient de publier. Son premier président, Didier Migaud, a précisé que, si 20 milliards correspondent « à des orientations déjà décidées », « la réalisation des 30 milliards restants est encore incertaine, car peu documentée ». J’y reviendrai ultérieurement.

Monsieur le ministre, vous êtes dans la négation et dans l’erreur. Il ne suffit pas de faire de belles déclarations pour qu’elles deviennent des réalités. Les Français sont en souffrance, leur pouvoir d’achat est rogné un peu plus chaque jour. Vous avez beau parler de justice, fiscale et sociale, un sentiment d’injustice prédomine partout en France, qu’il s’agisse des retraités, des salariés du secteur privé et du secteur public, des professions libérales, voire des cadres, sans parler des chefs d’entreprise, bien évidemment. Monsieur le ministre, le temps de la réflexion et des illusions est terminé ; le temps doit être à l’action, il faut enfin prendre la mesure des réalités.

Première réalité – elle vous rattrape –, après les hausses massives d’impôts que vous avez adoptées dans le projet de loi de finances rectificative dès 2012 et dans les PLF pour 2013 et 2014, vous annoncez dans ce projet de loi de finances rectificative une baisse d’impôts au profit de 3,7 millions de foyers.

Parallèlement, les contribuables français subiront en 2014 de nouvelles hausses d’impôts, par le biais de quatre mesures dont l’impact sera considérable : l’effet, en année pleine, de la fiscalité des heures supplémentaires ; la fiscalisation de la majoration des 10 % pour les retraités qui ont eu trois enfants ; la fiscalisation de l’abondement des complémentaires de santé ; la baisse du quotient familial.

Deuxième réalité : la réduction d’impôt sur le revenu de 350 euros pour une personne seule et de 700 euros pour un couple touchera 3,7 millions de foyers modestes dont le revenu fiscal de référence n’excède pas le montant imposable d’un salaire égal à 1,13 fois le SMIC pour une personne seule. Cette mesure ne concerne que les plus bas revenus. Elle est très limitée et elle contribuera à fragiliser encore un peu plus les classes moyennes. La mesure initialement annoncée était calibrée sur 3,2 millions de ménages avec un plafond de salaire de 1,1 fois le SMIC. Les 500 000 foyers supplémentaires sont l’effet des recommandations du Conseil d’État qui a émis des réserves et fortement incité le Gouvernement à prévoir un mécanisme de lissage. Ces 500 000 foyers, dont le revenu fiscal de référence est légèrement supérieur à 1,1 SMIC bénéficieront d’un avantage dégressif, jusqu’à 1,13 SMIC, mais ce n’est en aucun cas un geste supplémentaire.

Ce geste fiscal est un trompe l’œil puisque votre gouvernement n’a fait qu’augmenter l’impôt sur le revenu de manière considérable pour de nombreux contribuables depuis deux ans – plus de 19,8 milliards d’euros depuis juin 2012. Le nombre de foyers fiscaux imposables a considérablement augmenté. En catastrophe, votre gouvernement cherche à corriger le tir et à éviter que son discours sur la baisse des impôts ne vienne se heurter à la réalité vécue par des millions de ménages au mois de septembre. Cette baisse sera donc applicable sur l’impôt sur le revenu 2014 au titre des revenus 2013. Mais, au-delà du fait que ce geste est insuffisant, puisqu’il n’est que d’un milliard d’euros comparativement aux 4 à 5 milliards d’euros de hausse des impôts sur le revenu, et sans même parler des autres augmentations d’impôts pour les ménages en 2014 – TVA, droits de mutation à titre onéreux ou cotisations de retraite –, il est surtout injuste pour les classes moyennes inférieures qui vont connaître un déclassement par rapport aux foyers les plus modestes. L’effort fiscal est transféré sur les classes moyennes et nous allons assister à un resserrement du pouvoir d’achat en bas de barème. Par conséquent, travailler plus rapportera beaucoup moins.

Troisième réalité : l’exécution budgétaire. Ce sont 15 milliards d’euros de rentrées fiscales qui manquaient à votre budget fait en 2013, les augmentations d’impôts ayant rapporté deux fois moins que prévu. Ce sont 5 milliards d’euros de recettes en moins qui sont annoncées par rapport à vos attentes en 2014 et cette baisse est notamment compensée par des annulations de crédit à hauteur de 3,4 milliards d’euros. Par rapport au solde prévisionnel inscrit dans la loi de finances initiale, que nous avons voté en décembre 2013, le solde présenté dans le projet de loi de finances rectificative s’alourdit de 1,4 milliard d’euros. Tout ceci constitue un net recul.

Enfin, dernière réalité, et non la moindre : la Cour des comptes vient de rendre un rapport sur les prévisions budgétaires de 2014. Le premier président pointe du doigt un dérapage du déficit public à 4 %. Dans le détail, il faudrait réduire de plus de 13 milliards les dépenses de l’État, de 8,5 milliards celles des collectivités locales et de 7,9 milliards celles de la Sécurité sociale. Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances n’est pas adapté à l’ampleur de la situation. Alors que les plus hautes autorités financières ont tiré la sonnette d’alarme, allez-vous les écouter et réagir ?