M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collèges, avant tout, je voudrais faire une remarque de méthode. En effet, l’actuel régime de la recherche sur l’embryon est issu d’un processus de révision des lois bioéthiques conforme à l’article L. 1412-1-1 du code de la santé publique qui dispose : « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. Ceux-ci sont organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. »

Sans un tel débat, sans ces concertations, c’est donc sous le manteau que nous discutons aujourd’hui d’un texte qui anéantit la protection due à l’être humain dès le commencement de sa vie. La proposition de loi a en effet pour dessein de faire passer la recherche sur l’embryon d’un régime d’interdiction de principe assorti de dérogations à un régime d’autorisation conditionnée. Cela signifie, ni plus ni moins, que, pour la première fois en droit français, le principe du respect de l’être humain va devenir une exception. Rien ne justifie ce traitement incongru. Tout au contraire, cela conduit à exclure le raisonnement qui nous est aujourd’hui proposé !

En premier lieu, tout l’exclut au regard des textes. Ainsi, l’article 16 du code civil dispose : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. »

L’article 18 de la convention d’Oviedo de 1997, ratifiée en décembre 2011 par la France, notamment par l’excellent ministre des affaires européennes de l’époque, Jean Leonetti, indique : « Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l’embryon. »

La directive européenne de 2010 fixe aux États l’objectif du remplacement total, par des méthodes alternatives, de la recherche sur l’animal, y compris sur les formes « embryonnaires et fœtales ».

Il en va de même de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. L’arrêt Thomson a confirmé en 2008 que l’embryon humain doit bénéficier d’une protection au nom du principe de la dignité humaine.

L’arrêt Greenpeace, en 2011, précise qu’une « invention ne peut pas être brevetable lorsque la mise en œuvre du procédé requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons humains, soit leur utilisation comme matériau de départ » – ce que j’ai entendu tout à l’heure – « même si, lors de la demande de brevet, la description de ce procédé ne fait pas de référence explicite à l’utilisation d’embryons humains. »

Enfin – et c’est la pierre angulaire du débat –, autoriser la recherche sur l’embryon n’a jamais été aussi inutile au regard des progrès de la science. Le prix Nobel de médecine 2012 a récompensé la découverte des cellules souches adultes reprogrammées en cellules pluripotentes, dites cellules induites, ou IPS. Or ces cellules sont pertinentes pour le criblage des molécules comme pour la modélisation des pathologies, sans poser le moindre problème éthique.

Indépendamment de cette découverte, les solutions alternatives pour la recherche existent, avec notamment l’utilisation des cellules souches du cordon ombilical, qui ne posent aucun problème éthique au niveau de la collecte non autologue.

Rappelons tout de même qu’en vingt ans de recherches sur l’embryon la Grande-Bretagne n’est parvenue à aucun résultat concluant.

La majorité nous parle de frein à la recherche, de perte de chances d’avancées thérapeutiques majeures. Mensonges !

Frein à la recherche ? Les protocoles de recherche sur l’embryon sont déjà largement délivrés par l’Agence de biomédecine : depuis 2004, l’ABM a délivré 173 autorisations relatives à la recherche sur l’embryon, pour seulement 9 refus. Malgré le principe d’interdiction, les dérogations actuelles sont largement interprétées, voire non respectées, comme l’a estimé la cour d’appel de Paris le 10 mai 2010. Qu’en sera-t-il avec un principe d’autorisation ?

Perte de chances d’avancées thérapeutiques majeures, dites-vous. Mais pourquoi s’acharner à rater le coche des cellules IPS ? Est-ce parce qu’elles sont moins disponibles que les embryons humains ?

Si c’est la logique de la majorité, c’est consternant.

En définitive, ce texte réifie l’embryon humain et lui donne même un statut inférieur à celui de l’embryon animal, désormais protégé par la directive européenne précitée ; il pose de graves problèmes éthiques, n’est justifié par aucun impératif de recherche fondamentale, pharmaceutique ou clinique et contrevient à la procédure établie par la loi de 2011 concernant les textes touchant à la bioéthique.

Qu’ajouter de plus ? Il est évident qu’il faut impérativement rejeter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)