Marie-Christine Dalloz développe les motifs pour lesquelles elle s'oppose au budget et aux mesures pour l'emploi proposées par le gouvernement sous l'angle des charges sociales, de Pôle-Emploi, de l'apprentissage, des contrats d'avenir et de génération.

Séance du 8 novembre sur le budget de l’emploi dans l'hémicycle


Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout d’abord, je voudrais qu’ensemble nous partagions un constat : sur le sujet de l’emploi, l’heure est grave. En effet, nous sommes quotidiennement confrontés à cette préoccupation majeure pour beaucoup de Françaises et de Français, dans nos permanences, dans notre entourage familial ou relationnel.
En février 2012, le député Alain Vidalies, devenu depuis ministre des relations avec le Parlement, disait : « Avec François Hollande, nous faisons le choix du retour à la croissance avec le pacte productif, mais aussi du retour à la confiance dans la valeur travail ».
Jean Mallot, lui aussi député à l’époque et devenu maintenant directeur de cabinet dudit ministre, ajoutait : « 150 000 chômeurs de plus en un an, c’est un aveu d’échec ».
Quel est le constat aujourd’hui ? L’INSEE et l’UNEDIC prévoient 235 000 chômeurs en plus en 2012 – un vrai désastre. Face à cette sombre perspective, vos mesures ne sont pas à la hauteur.
Pour combattre le chômage, il convient de garantir une stabilité juridique et fiscale à notre tissu industriel – ce qui n’est pas le cas –, de redonner à nos entreprises des marges de compétitivité. Or, votre majorité n’a de cesse, depuis six mois maintenant, d’augmenter les charges patronales et salariales sous le coup du retour partiel de la retraite à 60 ans, de la suppression des heures supplémentaires, de la hausse du forfait social et surtout de la suppression de la TVA anti-délocalisation qui était, à mon sens, un vrai outil pour maintenir l’emploi.
Il convient d’ajouter à cet inventaire le raz-de-marée du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui tourne le dos aux travailleurs indépendants, aux artisans, aux professions libérales et aux auto-entrepreneurs – personne n’a été oublié dans votre volonté de faire table rase du passé.
Bien sûr, il y a le rapport Gallois, mais nous l’avons bien compris, vous ne serez pas assez volontaires et courageux pour agir vite et avec l’amplitude nécessaire pour lutter contre le fléau que représente la destruction de l’emploi, donc la montée du chômage.
La mission « Travail et emploi » dispose en 2013 de 10,315 milliards d’euros en crédits de paiement contre 9,954 milliards d’euros en 2012. Nous constatons une hausse brute de 2,1 % des crédits. Mais à y regarder de plus près, en ajoutant aux 9,954 milliards de 2012 les 500 millions budgétés en 2013 pour les emplois d’avenir, le total aurait dû être, à périmètre constat, de 10,454 milliards d’euros. Le compte n’y est pas ! Vous nous proposez donc une progression comptable qui n’est pas réelle dans les faits.
Les autres dispositifs – contrats aidés, apprentissage – sont globalement stabilisés.
Les crédits de la formation des chômeurs et de l’activité partielle sont en légère hausse. Je m’interroge, en revanche, sur les crédits d’aides aux entreprises qui, du fait des amendements adoptés en commission des affaires sociales, vont diminuer, voire disparaître. Cela n’est pas acceptable dans la conjoncture actuelle.
Les baisses de crédits les plus spectaculaires sont celles qui concernent la suppression du contrat d’autonomie, la baisse de 80 % des crédits finançant les exonérations de charges des auto-entrepreneurs. Sont également touchés la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et les fonctions supports du ministère, au titre de la rationalisation des crédits.
En revanche, je me réjouis du maintien de l’aide aux postes adaptés, La création de 1 000 postes supplémentaires est dans la droite ligne des engagements pris par la précédente majorité en 2011, dans le cadre du pacte pour l’emploi en entreprises adaptées.
Je souligne également le maintien des exonérations de charges pour les TPE qui emploient des jeunes, à moins que certains amendements viennent remettre en cause cet accompagnement fondamental pour l’emploi des jeunes, que vous souhaitez pourtant sanctuariser.
En ce qui concerne les maisons de l’emploi, pour lesquelles je me suis fortement impliquée dans le passé, je note une progression des crédits de 10 millions d’euros, mais je souhaiterais une approche différenciée de chaque structure. En effet, ce dispositif peut apporter des réponses concrètes et territoriales aux problématiques de l’emploi. La question qui demeure, dans la mesure où les maisons de l’emploi seront pérennisées, est de savoir s’il y a complémentarité ou concurrence directe, dans leur périmètre d’intervention, avec Pôle emploi. J’avais préconisé, en son temps, un plafonnement des aides en fonction du ratio nombre d’emplois dans la maison de l’emploi/population concernée par le dispositif. Qu’en est-il de cette approche ?
Je m’inquiète par ailleurs, au regard de la progression fulgurante des chiffres du chômage depuis six mois, de la stabilité des crédits relatifs à l’indemnisation des demandeurs d’emploi.
Quant aux perspectives et aux orientations que vous souhaitez donner à Pôle emploi, j’ai lu avec intérêt le rapport de Jean-Patrick Gille, qui m’interpelle à plusieurs égards. Il souligne à deux reprises la masse salariale de Pôle emploi et dénonce les conditions avantageuses dans lesquelles a été menée la fusion des anciens salariés des Assedic et de l’ANPE. Je rappelle qu’il convenait de revenir sur l’inéquité salariale constatée au détriment des agents de l’ANPE.
Le plan Pôle emploi 2015 devra conforter ce grand opérateur et veiller à ne pas remettre en cause les missions assignées. Dire que l’approche unique et systématique du demandeur d’emploi n’est pas efficace est un raccourci désobligeant pour les équipes qui se sont fortement mobilisées.
Enfin, la nouvelle démarche de pilotage par la performance m’inquiète car le risque est de privilégier la quantité à la qualité du retour à l’emploi.
Revenir sur le métier unique serait un retour en arrière pour les salariés de Pôle emploi, mais également pour les demandeurs d’emploi, qui risqueraient de connaître à nouveau l’entassement des procédures administratives.
S’agissant du programme 102, on ne peut que se féliciter de la poursuite des engagements de Nicolas Sarkozy en matière d’accès à l’emploi pour les handicapés et du maintien des dispositifs d’accès à l’emploi des jeunes, notamment du contrat d’insertion dans la vie sociale et des centres de l’établissement public d’insertion de la défense.
Quant au programme 103, je déplore la suppression totale en 2013 des contrats d’autonomie, qui ciblaient pourtant les jeunes des cités. Les moyens de la GPEC baissent de 40 %, alors que le contexte économique aurait nécessité une mobilisation accrue en faveur de ce dispositif. Je me réjouis, en revanche, de la progression des crédits liés à l’activité partielle, puisqu’ils reviennent simplement à hauteur de la demande constatée en 2011.
Pour ce qui est de l’apprentissage, l’ensemble des mesures qui financent cette formation baissent globalement de 3 %. Le rapport Gallois prescrit, pourtant, de doubler le nombre de jeunes en apprentissage, pour atteindre 800 000 contrats en 2015, comme l’avait proposé en son temps le président Nicolas Sarkozy. En effet, l’apprentissage garantit des résultats exceptionnels en termes d’insertion professionnelle et permet à des jeunes parfois en difficulté dans le système scolaire d’acquérir un diplôme et une expérience professionnelle. Comme l’a rappelé l’excellent rapporteur pour avis Gérard Cherpion, trois orientations doivent être mises en œuvre pour accompagner l’apprentissage : l’amélioration de l’orientation des jeunes ; la valorisation de la voie de l’apprentissage ; le développement des formations, notamment dans les structures publiques. Aussi, je soutiens résolument l’amendement qu’il a déposé, qui vise à renforcer l’accompagnement des apprentis et de leurs maîtres de stages pour prévenir les ruptures de contrat.
En définitive, la création des 150 000 emplois d’avenir financés à hauteur de 500 millions pour 2013 se fera au détriment de l’entrée des jeunes en apprentissage, c’est dommage.
Le rapport pour avis de notre collègue Francis Vercamer souligne la nécessité de regrouper les branches professionnelles et pointe les modalités de financement des acteurs du dialogue social. Je comprends ces interrogations et je les partage.
Malgré votre affichage volontariste sur le travail et l’emploi, force est de constater que ce budget n’aura aucune incidence sur le redressement économique de notre pays. Nous attendons toujours le décollage de la fusée emploi ! Les 150 000 créations d’emplois d’avenir ne sont une réponse ni dans la durée ni dans la qualité d’un parcours professionnel pour notre jeunesse. Quant aux contrats de génération, nous attendons, comme vous d’ailleurs, l’issue du dialogue social, pour connaître enfin votre projet.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas les crédits de la mission « Travail et emploi ».